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Quand l’IA rhabille les femmes
Si l’on connaissait toutes sortes de logiciels qui déshabillent les femmes de manière réaliste, c’est désormais un nouveau mouvement moraliste et conservateur qui fait fureur, et qui à l'aide d’outils d’IA, rhabille des femmes trop dénudées à son goût
Dans le rendez-vous de La villa numeris sur B Smart, David Lacombled, président de La villa numeris pointe des méthodes abjectes à des fins idéologiques ou mercantiles.
Delphine Sabattier, journaliste: On va aborder une question sensible la question des solutions d'intelligence artificielle qui sont détournées à des fins moralisatrices, avec notamment une appli qui rhabille les femmes trop dénudées.
David Lacombled: Internet est la première source d'information au monde et de fait, c'est aussi le principal vecteur désormais des informations avec de véritables batailles idéologiques qui y sont livrées. Et c'est vrai que se déversent sur les réseaux sociaux des torrents de boue où certains y voient midi à leur porte et savent d'ailleurs se jouer des algorithmes pour y trouver une audience mondiale avec des solutions d'intelligence artificielle. On rentre dans la troisième dimension de manipulation de l'information, des fake news, des fake. Qui sont ces vidéos qui sont altérées ou détournées au nom d'idéologies ou d'appât du gain ou d'ailleurs? Parfois des deux? On connaît les solutions d'intelligence artificielle qui déshabillaient des femmes en particulier à des fins tout à fait malveillantes ou de revanche pornographique. On les appelle des nudes ou des fake pornographiques. Or, si le porno est autorisé aux plus de 18 ans, rappelons que tout détournement est interdit sans le consentement des personnes et que c'est particulièrement répréhensible et puni par la loi. C'est un viol numérique en quelque sorte, et vous risquez deux ans de prison. Que vous fabriquiez ces vidéos ou que vous les diffusiez. Il faut reconnaître quand même aux plateformes d'avoir mis en œuvre des filtres pour permettre d'en éliminer le plus grand nombre.
Delphine Sabattier: Et donc c'est là qu'apparaissent ces applications qui, à l'inverse, rhabillent des femmes.
David Lacombled: Je ne citerai pas leurs noms tellement c'est abject. On n'est pas là pour non plus leur donner de la publicité. Mais effectivement, ces solutions d'intelligence artificielle ont pour ambition de rhabiller les femmes au mépris du respect de la liberté individuelle et du droit de tout un chacun à disposer de son corps. Sont à l'œuvre des mouvements conservateurs ou moralistes et qui, effectivement, parce qu'ils jugent des photographies indécentes ou en tout cas pas à leur goût, les rhabillent. C'est ce qui est arrivé à une actrice, Kristen Stewart, qui était en une de Rolling Stone récemment, et une photo trop subjective au goût de certains qui l'ont rhabillée et qui l'ont d'ailleurs recoiffée et mis une alliance au passage pour la «rendre digne». Et au nom de quoi? Et donc effectivement, ce genre de pratiques a lieu, et pas uniquement sur les femmes puisque Elon Musk, qui avait été pris en photographie en maillot de bain, s'est retrouvé avec un costume et une cravate, ce qui n'est pas exactement la même chose, vous en conviendrez.
Delphine Sabattier: Alors on a donc quand même on trouve des personnes qui arrivent à défendre ce type d'applications, qui y voient peut être une façon de protéger des personnes sensibles.
David Lacombled: C'est vrai qu'on n'a pas tous la même sensibilité que selon ses origines, ses valeurs, son éducation, sa religion, son pays. Et c'est bien une des difficultés avec un mass media qui fait qu'une photo peut être vue d'un coup d'un seul à travers le monde. Souvenez vous de ce tableau de L'origine du monde de Gustave Courbet qui avait été censuré par Facebook, qui d'ailleurs la reposté après et avait présenté ses excuses. Est ce qu'il aurait fallu rhabiller le modèle d'ailleurs? On voit bien avec ce tableau que ça n'avait pas attendu Internet puisqu'il avait été l'objet de très nombreuses polémiques dès son origine et que d'ailleurs ceux qui l'exposait avaient mis un voile devant et il fallait retirer le voile pour pouvoir le regarder. Et il a été retiré d'ailleurs assez tard par le musée d'Orsay où il est exposé désormais. Et donc on est dans cette difficulté effectivement d'acceptation en quelque sorte par des populations hétéroclites et des tollés qu'il suscite. Mais face à des pères la pudeur, face à des moralistes de tous poils, il faut afficher le plus profond mépris, me semble-t-il, et faire confiance au libre arbitre de chacun parce qu'il y a des solutions. Si c'est trop insoutenable, il suffit de ne pas aller sur ces réseaux sociaux et après il faut bien voir qu'il y a quand même des filtres sur les navigateurs, notamment pour les plus jeunes. Faut il encore les activer.
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